SOEUR AGATHE VÉZINA (Jean-Raymond)
N.B. Agathe est ma cousine (Jean-Marie Paquin administrateur du site web)
Naissance : 11 février 1938
Première profession: 15 août 1959
Retour à Dieu: 5 avril 1986.
"Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père pour le pays que je t'indiquerai" (Cn. 12, 1). Ces paroles de la Bible ont trouvé écho dans l'histoire de nombreuses vocations. Cet appel de Dieu à Abraham et sa réponse fidèle ont été vécus pleinement, dans la foi et la confiance, par celle que le Père a rappelée à Lui si brusquement le 5 avril 1986.
Née le 11 février 1938, à 1'île-aux-Grues, Montmagny, Agathe devenait la sixième enfant de Jean-Baptiste Vézina et d'Alberta Paquin. Cette Ile sauvage avec ses eaux calmes ou agitées par la tempête, ses rudes hivers, ses grues planant dans le ciel, sa faible population ont développé au cœur de l'enfant le goût de la nature, la joie de vivre, la volonté face aux obstacles et une générosité innée.
La petite école de 1'île-aux-Grues ne pouvant satisfaire le besoin d'instruction des aînés, la famille Vézina quitte ce port d'attache pour s'établir à Deschambau1t. Agathe a alors huit ans. C'est à Portneuf qu'elle ira en classe. En grandissant, son sens spirituel, développé par le climat familial religieux, s'affirme au point qu'une de ses sœurs décèle quelque chose de spéciale qu'elle ne peut décrire. Elle entraîne ses jeunes sœurs à la messe du matin. Pendant l'Avent, le Carême et les premiers vendredis du mois, les fillettes se lèvent dès 5 heures 30. À jeun, dans l'obscurité, elles rejoignent le camion "distributeur de lait" pour qu'il les dépose à l'entrée du village. Il leur reste à faire deux milles à pied jusqu'à l'église.
Tant à l'école qu'à la maison, Agathe cultive la bonne humeur, la jovialité, l'ardeur au travail. Elle est toujours prête à rendre service. "Elle se fâchait rarement" confie un membre de sa famille. Ces aptitudes conduisent Agathe à l'École Normale de Pont-Rouge et lui préparent une heureuse carrière dans le domaine de l'éducation de la jeunesse. La normalienne se fait des amies, aime rire et jouer des tours. Rejointe par sa sœur Marie-Reine, elle partage sa chambre. Toutes deux ne se couchent
jamais sans avoir prié ensemble. Elle se sent mal à l'aise lorsqu'il lui faut demander de l'argent, sachant combien son père peine dur pour le gagner. Elle obtient son Brevet Supérieur de l'enseignement; en juin 1956 et sollicite la permission d'entrer au couvent.
Le 14 août 1957, après une année d'expérience dans l'enseignement à Bienville, elle prend l'habit religieux et commence son noviciat. Ses deux années de formation à la vie religieuse lui permettent de s'attacher pour toujours au Christ fidèle et miséricordieux. S. Agathe fait sa première profession, le 15 août 1959.
Black Lake devient la vigne où le Seigneur l'envoie travailler de 1959 à 1963. Tout en étant première responsable des garçons pensionnaires, elle enseigne à l'école de la mi-côte. Puis, S. Agathe reçoit son obédience pour l'Institut Saint-Louis de Loretteville. Elle a un ascendant remarquable sur les jeunes filles pensionnaires dont elle assume la responsabilité en dehors des heures de cours. En communauté, elle témoigne de la joie de vivre. Son humour dédramatise les situations pénibles. Elle aime partager une lumière reçue, valoriser une compagne en soulignant une qualité, un effort.
En 1965, S. Agathe retourne parfaire ses connaissances à l'École Normale de Pont-Rouge. Le Brevet A et le Baccalauréat en pédagogie couronnent cette année de labeur.
Les élèves de 8e année du Collège St-Vallier de Ville Vanier bénéficient de sa compétence. Son passage est de courte durée. Dès 1968, la polyvalente de Loretteville compte S. Agathe parmi ses bons professeurs. La mathématicienne connaît sa matière et l'enseigne avec assurance. La communauté des Ardennes apprécie sa droiture, sa sincérité de vie, son souci d'authenticité et, bien sûr, sa jovialité qui ne se dément pas.
Lors d'une réunion de province en mai 1970, S. Marie-Thérèse Careau, supérieure provinciale, de retour d'un voyage au Mali, demande un professeur de mathématiques pour Bamako. S. Agathe se sent vivement interpellée. Mue par la foi, après avoir prié et réfléchi, elle s'offre pour ce service au loin.
Elle part en septembre 1970. Après un voyage de six Jours, parce que sur liste d'attente, passant par six aéroports, S. Agathe arrive enfin à Bamako avec ses compagnes. Son premier geste, après tant de péripéties, est de s'agenouiller et de baiser le sol d'Afrique. Puis, avec l'humour qui la caractérise, elle explique: "Je viens faire mon service militaire: trois ans". À ce moment, les Sœurs de la Charité de Saint-Louis viennent prêter mains fortes aux Sœurs de Ste-Clotilde, communauté française. En plus de l'enseignement des mathématiques en 9e année, S. Agathe répond à son désir apostolique en s'engageant dans la catéchèse.
En juillet 1973, pendant son congé au Québec, S. Agathe fait une retraite avec le Père Jean Van den Eynde, s.j. Cette halte spirituelle donne une impulsion à sa vie de prière et à sa vie fraternelle. Conquise par l'Afrique, elle décide de prolonger "son service militaire".
En 1974, elle est nommée à Kita comme animatrice de la communauté, professeur au second cycle (7e, 8e, 9e années) et responsable de la C.E.C. (Communauté des Etudiants Croyants). Primesautière et catégorique au moment où elle émet ses idées, S. Agathe sait cependant revenir sur ses positions lorsqu'une compagne fait valoir sa façon de voir les choses. Elle a le sens de l'équipe. Son jugement droit et sa forte conviction dans les discussions assurent la vérité.
Après neuf ans au service de l'Eglise du Mali, S. Agathe bénéficie d'une année sabbatique. Les cours de ressourcement doctrinal à Cap-Rouge et les É.V.C. (Exercices dans la Vie Courante) à la Villa Manrèse lui sont un réel enrichissement et une occasion de fructueux échanges. Aux vacances 1980, elle subit l'opération d'un ménisque. Au cours de sa convalescence, une phlébite suivie d'embolie pulmonaire lui imposent un repos prolongé et une surveillance médicale qui la retiennent au pays jusqu'en février 1981.
En mars, Kita l'accueille. Vulnérable, mais non moins généreuse, S. Agathe consacre quelques mois à l'étude du Bambara. Elle tire vite la conclusion que le Créateur l'a gratifiée de la connaissance des mathématiques plus que de la facilité pour les langues. Pour l'année scolaire 1981-1982, elle est de nouveau à Bamako comme professeur de mathématiques et de catéchèse. Elle est aussi responsable de la bibliothèque de l'école. En novembre 1982, S. Agathe est élue secrétaire générale de la Commission diocésaine des Religieuses de Bamako. C'est à ce titre, qu'elle a l'initiative de proposer un groupe de prière composé de religieuses et de laïcs. Depuis, le groupe persévère, grandit dans la foi, l'amitié et l'action de grâces.
En 1983, à Dobwo, diocèse de San, un centre vocationnel pour les jeunes filles aspirantes à la vie religieuse vient de naître. Un appel est lancé pour seconder deux Sœurs Blanches de Notre-Dame d'Afrique. S. Agathe se sent attirée par ce service d'Église. Devant le grand besoin de vocations, après avoir discerné, prié, échangé avec les Supérieures, elle se déclare disponible à cette nouvelle tâche. "Va plus loin... la route est à peine commencée," chante John Littleton. Voilà S. Agathe à Dobwo, milieu très pauvre. Elle donne des cours au collège des Frères du Sacré-Cœur, suit les travaux de la construction, s'occupe de l'aménagement des locaux afin de recevoir, comme internes, les dix-huit premières aspirantes, en octobre 1984. Dans un esprit de disponibilité constante, en éducatrice avertie, elle est attentive à chacune, qu'elle aide à grandir dans l'amour de Jésus et à s'épanouir dans toutes les dimensions de son être.
Un Jubilé d'Argent se fête partout. Le 15 août 1984, S. Marie-Louise Roche prend l'initiative de la rencontre. Les sœurs de Dakar, Kita, Bamako s'unissent pour célébrer le 25e anniversaire de profession religieuse de S. Lise Rodrigue et de S. Agathe Vézina. Toutes deux rayonnent leur bonheur et rendent grâce au Dieu fidèle. S. Agathe se plaît à chanter avec humour: "Le Seigneur fit de moi une merveille".
Cette mémo année, une grande sécheresse appauvrit la région de San et multiplie les misères. À un S.O.S. lancé par S. Agathe, des Sœurs du Québec organisent un marcheton missionnaire et y participent. Grâce à cette activité, elle distribue des livres, assure du travail aux uns, secourt les plus démunis, combat certaines injustices. Des témoignages louent cette charité: "S. Agathe avait une lumière brillante dans les yeux, pour tous, sans distinction".
En septembre 1985, S. Monique Lapointe se joint à l'équipe. S. Agathe et S. Clotilde, S.B. se réjouissent de sa présence. Les tâches sont partagées, la responsabilité des vingt-quatre internes revient à S. Agathe. De plus en plus, elle croit à la mission confiée. Un jour, elle écrivait à un ami: "Si nous ne nous enracinons pas dans notre pays d'adoption, si nous n'aimons pas vraiment et sensiblement les gens avec lesquels nous vivons et travaillons, nous ne serons jamais les vraies missionnaires de Jésus".
Cet enracinement en terre malienne se vérifie par l'événement foudroyant du 4 avril dernier. Tous connaissent les détails relatant les derniers moments de notre chère S. Agathe Vézina. "Si le grain de blé ne tombe en terre, il ne peut porter du fruit". La Congrégation et sa famille l'ont donnée à l'Eglise du Mali. Elle contemple aujourd'hui dans la gloire Celui qu'elle a tant cherché sur la terre. Dans la béatitude éternelle, chère S. Agathe, ne nous oublie pas. Toi qui as vécu le don de toi-même jusqu'au bout de l'amour, suscite des vocations religieuses au cœur de nombreuses jeunes afin que les Sœurs de la Charité de Saint-Louis continuent d'assurer l'évangélisation dans la mission éducative de l'Église.