Le frère Pasteur n’est plus. On s’était tellement habitué à le
voir à la grande maison de Sainte-Foy (autrefois maison provinciale de Québec),
qu’on se fait difficilement à l’idée de son départ. Il nous semblait qu’il
aurait duré aussi longtemps que les solides murs de cette institution. Et
pourtant, l’âge et les infirmités ont eu raison de lui. C’est dans la nuit du
17 avril que son cœur a cessé de battre. Il était parvenu à l’âge respectable
de 95 ans et 4 mois.
Le frère Pasteur est né le 11 décembre 1900, au sein d’une
famille de cultivateurs, à Saint-Tite, dans la province de Québec. Son père,
Silfrid, et sa mère, Sara Jacob, donnèrent le jour à 14 enfants, dont sept
garçons et sept filles. Notre regretté défunt était le douzième. À son baptême,
il reçut les noms de Joseph, Armand, Victor. C’est sous ce dernier nom qu’il
fut connu jusqu’à son entrée au noviciat, en avril 1917.
De sa famille et de son enfance, le frère Pasteur n’avait gardé
que de bons souvenirs. Il aimait également son père et sa mère. Ceux-ci étaient
de bons chrétiens, dévots au Sacré-Cœur et fidèles aux pratiques de notre
sainte religion. Victor était un bon fils de famille qui, durant les jours de
congé et durant les vacances, se prêtait volontiers aux menus travaux de la
ferme.
Le F. Pasteur n’est plus. On s’était tellement habitué à le
voir à la grande maison de Sainte-Foy (autrefois maison provinciale de Québec),
qu’on se fait difficilement à l’idée de son départ. Il nous semblait qu’il
aurait duré aussi longtemps que les solides murs de cette institution. Et
pourtant, l’âge et les infirmités ont eu raison de lui. C’est dans la nuit du
17 avril que son cœur a cessé de battre. Il était parvenu à l’âge respectable
de 95 ans et 4 mois.
Le F. Pasteur est né le 11 décembre 1900, au sein d’une
famille de cultivateurs, à Saint-Tite, dans la province de Québec. Son père,
Silfrid, et sa mère, Sara Jacob, donnèrent le jour à 14 enfants, dont sept
garçons et sept filles. Notre regretté défunt était le douzième. À son baptême,
il reçut les noms de Joseph, Armand, Victor. C’est sous ce dernier nom qu’il
fut connu jusqu’à son entrée au noviciat, en avril 1917.
De sa famille et de son enfance, le F. Pasteur n’avait gardé
que de bons souvenirs. Il aimait également son père et sa mère. Ceux-ci étaient
de bons chrétiens, dévots au Sacré-Cœur et fidèles aux pratiques de notre
sainte religion. Victor était un bon fils de famille qui, durant les jours de
congé et durant les vacances, se prêtait volontiers aux menus travaux de la
ferme.
C’est dans cet heureux climat familial que naquit chez
Victor l’aspiration à la vie toute consacrée au Seigneur. Sa mise en route vers
la vie religieuse doit beaucoup à l’exemple de son curé, M. l’abbé
Jean-Baptiste Grenier. En août 1916, il faisait son entrée au juvénat
d’Arthabaska, où il eut comme maître le frère Désir. Le frère David, son professeur,
l’a beaucoup aidé dans ses premiers pas hors de la famille.
L’année 1917-1918 fut celle de son noviciat,
sous la bonne direction du frère Albertus. Là, il eut comme professeur le frère
Alphée. De son noviciat, le frère Pasteur n’avait que de bonnes impressions ;
c’est qu’il avait accepté la formation qu’on y donnait alors.
C’est dans cet heureux climat familial que naquit chez
Victor l’aspiration à la vie toute consacrée au Seigneur. Sa mise en route vers
la vie religieuse doit beaucoup à l’exemple de son curé, M. l’abbé
Jean-Baptiste Grenier. En août 1916, il faisait son entrée au juvénat
d’Arthabaska, où il eut comme maître le F. Désir. Le F. David, son professeur,
l’a beaucoup aidé dans ses premiers pas hors de la famille.
L’année 1917-1918 fut celle de son noviciat,
sous la bonne direction du F. Albertus. Là, il eut comme professeur le F.
Alphée. De son noviciat, le F. Pasteur n’avait que de bonnes impressions ;
c’est qu’il avait accepté la formation qu’on y donnait alors.
Le frère Pasteur n’était pas une personnalité quelconque. Il
avait un jugement juste, des idées claires et des principes bien chevillés. Il
y avait chez lui cet ensemble de qualités qui attirent la confiance. Il était honnête
et franc, ennemi des faux-fuyants. Il avait fortement le sens du devoir et
s’acquittait de ses fonctions avec fidélité et continuité. Toute sa vie, ce fut
un rude tâcheron.
Sa vie était basée sur un ensemble de certitudes dont il ne
démordait pas. Aussi, quand vint le temps des grands ébranlements des années
60, provoqués par une révolution culturelle et religieuse rapide, il eut peine
à suivre et souffrit beaucoup. Étant un fort, il tint bon sur plus d’un point.
Difficilement, on arrivait à le déloger de ses positions. Car, il faut bien le
dire, c’était un doux entêté avec qui il n’était pas facile de dialoguer.
Nous touchons ici un point qui peut nous expliquer pourquoi
il eut si peu d’amis intimes. Sans doute, il avait les qualités qui gagnent l’estime,
mais ces mêmes qualités aux contours trop bien arrêtés peuvent offusquer.
Toujours sûr de lui-même, le frère Pasteur consultait peu son entourage. S’il
avait davantage douté de lui-même (ou feint de douter), et s’était muni des
avis de ses confrères, il se serait gagné leur sympathie.
Le F. Pasteur n’était pas une personnalité quelconque. Il
avait un jugement juste, des idées claires et des principes bien chevillés. Il
y avait chez lui cet ensemble de qualités qui attirent la confiance. Il était honnête
et franc, ennemi des faux-fuyants. Il avait fortement le sens du devoir et
s’acquittait de ses fonctions avec fidélité et continuité. Toute sa vie, ce fut
un rude tâcheron.
Sa vie était basée sur un ensemble de certitudes dont il ne
démordait pas. Aussi, quand vint le temps des grands ébranlements des années
60, provoqués par une révolution culturelle et religieuse rapide, il eut peine
à suivre et souffrit beaucoup. Étant un fort, il tint bon sur plus d’un point.
Difficilement, on arrivait à le déloger de ses positions. Car, il faut bien le
dire, c’était un doux entêté avec qui il n’était pas facile de dialoguer.
Nous touchons ici un point qui peut nous expliquer pourquoi
il eut si peu d’amis intimes. Sans doute, il avait les qualités qui gagnent l’estime,
mais ces mêmes qualités aux contours trop bien arrêtés peuvent offusquer.
Toujours sûr de lui-même, le F. Pasteur consultait peu son entourage. S’il
avait davantage douté de lui-même (ou feint de douter), et s’était muni des
avis de ses confrères, il se serait gagné leur sympathie.
Le frère Pasteur enseigna durant 25 ans. Détenteur du brevet
supérieur d’enseignement, il possédait bien ses matières et savait faire
réussir ses élèves. Lui-même me racontait qu’il fut un jour appelé à remplacer
un confrère qui avait échoué. Il entre donc en classe, et un élève se charge de
lui présenter ses condisciples, que le professeur précédent avait répartis en
trois groupes : « Ceux-ci, dit-il, sont les “niochons” (bornés), ceux-là sont
les paresseux et celui-ci est le chef des paresseux ; ces autres sont les
travaillants, et voici leur chef. » En bon pédagogue, le fère Pasteur comprit
vite qu’une telle classification était contre-indiquée (aujourd’hui on dirait
qu’elle était contraire aux droits de l’homme !). II dit donc aux élèves :
« Mettez-vous tous autour de la classe par ordre de grandeur et on va vous
donner de nouvelles places. »
Les deux dernières années de carrière d’enseignant, le frère Pasteur les passa à l’école Saint-Esprit de Québec, où il enseignait les
travaux manuels. Il avait suivi les cours qui se donnaient alors à Limoilou
sous la direction du frère Georgius et s’était rendu compétent en ce domaine. Cela
devait lui servir plus tard dans les divers travaux de la maison provinciale.
Le F. Pasteur enseigna durant 25 ans. Détenteur du brevet
supérieur d’enseignement, il possédait bien ses matières et savait faire
réussir ses élèves. Lui-même me racontait qu’il fut un jour appelé à remplacer
un confrère qui avait échoué. Il entre donc en classe, et un élève se charge de
lui présenter ses condisciples, que le professeur précédent avait répartis en
trois groupes : « Ceux-ci, dit-il, sont les “niochons” (bornés), ceux-là sont
les paresseux et celui-ci est le chef des paresseux ; ces autres sont les
travaillants, et voici leur chef. » En bon pédagogue, le F. Pasteur comprit
vite qu’une telle classification était contre-indiquée (aujourd’hui on dirait
qu’elle était contraire aux droits de l’homme !). II dit donc aux élèves :
« Mettez-vous tous autour de la classe par ordre de grandeur et on va vous
donner de nouvelles places. »
Les deux dernières années de carrière d’enseignant, le F.
Pasteur les passa à l’école Saint-Esprit de Québec, où il enseignait les
travaux manuels. Il avait suivi les cours qui se donnaient alors à Limoilou
sous la direction du F. Georgius et s’était rendu compétent en ce domaine. Cela
devait lui servir plus tard dans les divers travaux de la maison provinciale.
En deux endroits, Causapscal et Bagotville, le frère Pasteur fut directeur. Ce furent cinq années pénibles. Il n’était pas fait pour être directeur d’école et supérieur de communauté. Lui-même me confiait que, dans une de ces communautés, il eut tous ses confrères ligués contre lui. Du moins, c’est ce dont il se souvenait. On peut se demander où était la faute. Sans doute, les traits de son caractère et sa personnalité furent-ils à l’origine de ces situations conflictuelles. Toujours est-il qu’il jugea bon de donner sa démission au frère provincial, qui l’accepta. En bon inférieur soumis, il rentra dans les rangs et redevint professeur pour deux ans, avant de recevoir une obédience durable et définitive à la maison provinciale de L’Ancienne-Lorette.
En deux endroits, Causapscal et Bagotville, le F. Pasteur fut directeur. Ce furent cinq années pénibles. Il n’était pas fait pour être directeur d’école et supérieur de communauté. Lui-même me confiait que, dans une de ces communautés, il eut tous ses confrères ligués contre lui. Du moins, c’est ce dont il se souvenait. On peut se demander où était la faute. Sans doute, les traits de son caractère et sa personnalité furent-ils à l’origine de ces situations conflictuelles. Toujours est-il qu’il jugea bon de donner sa démission au frère provincial, qui l’accepta. En bon inférieur soumis, il rentra dans les rangs et redevint professeur pour deux ans, avant de recevoir une obédience durable et définitive à la maison provinciale de L’Ancienne-Lorette.
Les 47 dernières années de sa vie, le frère Pasteur devait donc
les passer à la maison provinciale de Sainte-Foy en qualité d’infirmier,
électricien, commissionnaire, factotum et retraité. C’est surtout par cette
dernière tranche de vie que le souvenir du frère Pasteur restera dans la mémoire
des jeunes frères et même des moins jeunes.
Comme infirmier, il succédait aux frères Hector Ruest et
Norbert Lizée. II occupa ce poste 22 ans. Que de mérites accumulés dans cette
tâche, si l’on songe que son dispensaire et les chambres de l’infirmerie se trouvaient
au cinquième étage et que, durant cinq ans, avant la pose d’un ascenseur, il
dut monter là les repas des malades.
Ceux qu’il a soignés témoignent de son dévouement, de sa
précision et de son savoir-faire. Sans doute, ont-ils eu droit parfois à des
remontrances, car le frère Pasteur était sermonneur à ses heures.
Malheur au novice qui venait lui demander du sirop pour le
rhume alors que, les jours précédents, notre infirmier l’avait vu se pavaner
nu-tête par les journées encore fraîches d’avril ou mai.
Il prenait tout au sérieux et voulait que les autres en
fassent autant. Par conséquent, les supérieurs provinciaux et les maîtres
formateurs devaient tenir compte des dossiers médicaux de chacun des sujets en
formation. Encore à 88 ans, il se souvenait qu’un supérieur provincial lui
avait reproché de n’avoir pas mentionné que tel novice avait des
prédispositions à la tuberculose : « J’avais pourtant écrit, disait-il, la
déclaration du médecin : candidat à la tuberculose. »
Certains confrères n’étaient pas d’accord avec
le frère Pasteur sur sa façon de choisir les médecins. Ce sont des critiques qui
démontrent que la tradition se maintient et que les hommes ont toujours opiné
ou pour Hippocrate ou pour Galien. Il invitait parfois de grands médecins qui,
pour l’occasion, se faisaient conférenciers et donnaient de judicieux conseils
sur le soin de la santé. Je me souviens en particulier d’un certain Dr
Rainville. Selon ce spécialiste, la maladie (cancer, maladie de cœur, etc.) ne
prend pas sur un organisme en santé (!), et c’est la respiration qui maintient
un organisme en santé. Toujours dans la même ligne, il disait : « Le secret
de la santé, c’est le signe de croix : front en arrière, ventre en arrière,
épaules en arrière ! » Seule reste en avant la poitrine, qui doit être gonflée
d’air pur.
Le frère Pasteur était disponible 24 heures sur 24. Je me
souviens qu’une nuit il me vint un frisson par tout le corps. Je montai chez le frère Pasteur, qui dut bien se demander ce que j’avais, tellement les dents me
claquaient dans la bouche et j’avais peine à m’exprimer. Sans maugréer, il me
remit un coussin électrique sur lequel je dormis le reste de la nuit et
conjurai ainsi ce qui, selon moi, s’annonçait comme une très forte crise de
bile.
Un automne, il avait conseillé aux frères de se faire
vacciner contre la grippe. Deux confrères acceptèrent le vaccin, et ce furent
les deux seuls qui eurent la grippe ! Des malins prétendirent que ce vaccin
devait se donner en deux fois et que, en le donnant en une seule fois, il leur
avait communiqué le virus. Dans le petit monde de L’Ancienne-Lorette, le frère
infirmier était plus souvent qu’à son tour la cible contre laquelle volaient
bien des flèches, mais jamais meurtrières. Ce qui reste certain, c’est que le frère Pasteur a laissé le souvenir d’un infirmier dévoué, compétent et
consciencieux. Son petit côté bougon ou sermonneur n’enlève rien à ses mérites.
Les 47 dernières années de sa vie, le F. Pasteur devait donc
les passer à la maison provinciale de Sainte-Foy en qualité d’infirmier,
électricien, commissionnaire, factotum et retraité. C’est surtout par cette
dernière tranche de vie que le souvenir du F. Pasteur restera dans la mémoire
des jeunes frères et même des moins jeunes.
Comme infirmier, il succédait aux FF. Hector Ruest et
Norbert Lizée. II occupa ce poste 22 ans. Que de mérites accumuls dans cette
tâche, si l’on songe que son dispensaire et les chambres de l’infirmerie se trouvaient
au cinquième étage et que, durant cinq ans, avant la pose d’un ascenseur, il
dut monter là les repas des malades.
Ceux qu’il a soignés témoignent de son dévouement, de sa
précision et de son savoir-faire. Sans doute, ont-ils eu droit parfois à des
remontrances, car le F. Pasteur était sermonneur à ses heures.
Malheur au novice qui venait lui demander du sirop pour le
rhume alors que, les jours précédents, notre infirmier l’avait vu se pavaner
nu-tête par les journées encore fraîches d’avril ou mai.
Il prenait tout au sérieux et voulait que les autres en
fassent autant. Par conséquent, les supérieurs provinciaux et les maîtres
formateurs devaient tenir compte des dossiers médicaux de chacun des sujets en
formation. Encore à 88 ans, il se souvenait qu’un supérieur provincial lui
avait reproché de n’avoir pas mentionné que tel novice avait des
prédispositions à la tuberculose : « J’avais pourtant écrit, disait-il, la
déclaration du médecin : candidat à la tuberculose. »
Certains confrères n’étaient pas d’accord avec
le F. Pasteur sur sa façon de choisir les médecins. Ce sont des critiques qui
démontrent que la tradition se maintient et que les hommes ont toujours opiné
ou pour Hippocrate ou pour Galien. Il invitait parfois de grands médecins qui,
pour l’occasion, se faisaient conférenciers et donnaient de judicieux conseils
sur le soin de la santé. Je me souviens en particulier d’un certain Dr
Rainville. Selon ce spécialiste, la maladie (cancer, maladie de cœur, etc.) ne
prend pas sur un organisme en santé (!), et c’est la respiration qui maintient
un organisme en santé. Toujours dans la même ligne, il disait : « Le secret
de la santé, c’est le signe de croix : front en arrière, ventre en arrière,
épaules en arrière ! » Seule reste en avant la poitrine, qui doit être gonflée
d’air pur.
Le F. Pasteur était disponible 24 heures sur 24. Je me
souviens qu’une nuit il me vint un frisson par tout le corps. Je montai chez le
F. Pasteur, qui dut bien se demander ce que j’avais, tellement les dents me
claquaient dans la bouche et j’avais peine à m’exprimer. Sans maugréer, il me
remit un coussin électrique sur lequel je dormis le reste de la nuit et
conjurai ainsi ce qui, selon moi, s’annonçait comme une très forte crise de
bile.
Un automne, il avait conseillé aux frères de se faire
vacciner contre la grippe. Deux confrères acceptèrent le vaccin, et ce furent
les deux seuls qui eurent la grippe ! Des malins prétendirent que ce vaccin
devait se donner en deux fois et que, en le donnant en une seule fois, il leur
avait communiqué le virus. Dans le petit monde de L’Ancienne-Lorette, le frère
infirmier était plus souvent qu’à son tour la cible contre laquelle volaient
bien des flèches, mais jamais meurtrières. Ce qui reste certain, c’est que le
F. Pasteur a laissé le souvenir d’un infirmier dévoué, compétent et
consciencieux. Son petit côté bougon ou sermonneur n’enlève rien à ses mérites.
Grâce à des cours par correspondance, le frère Pasteur était
licencié en électricité. À maintes reprises, on eut recours à sa compétence
pour électrifier diverses maisons de la province. C’est ainsi qu’on le vit aux
Éboulements et à Rivière-à-Pierre. Dans la même ligne, il décida, au début des
années 50, d’installer l’interphone à la maison provinciale.
Avec la détermination qu’on lui connaissait, il travailla à
la réalisation de son projet durant des mois sinon des années. Y réussit-il ?
Les progrès ultérieurs de la technique et l’avènement de l’électronique
devaient reléguer dans l’ombre ce qui lui avait coûté tant d’efforts.
La maison de L’Ancienne-Lorette, étant située à proximité de
l’aéroport Sainte-Foy, devait forcément munir son clocher et ses clochetons de
lampes rouges. Une ampoule venait-elle à griller, c’était le frère Pasteur qui
grimpait là-haut et remettait tout en ordre. Encore nonagénaire, si on lui
rappelait ses exploits d’autrefois, il reprenait : « J’irais encore, mais on ne
me le permet pas ! » Audaces fortuna juvat !
Grâce à des cours par correspondance, le F. Pasteur était
licencié en électricité. À maintes reprises, on eut recours à sa compétence
pour électrifier diverses maisons de la province. C’est ainsi qu’on le vit aux
Éboulements et à Rivière-à-Pierre. Dans la même ligne, il décida, au début des
années 50, d’installer l’interphone à la maison provinciale.
Avec la détermination qu’on lui connaissait, il travailla à
la réalisation de son projet durant des mois sinon des années. Y réussit-il ?
Les progrès ultérieurs de la technique et l’avènement de l’électronique
devaient reléguer dans l’ombre ce qui lui avait coûté tant d’efforts.
La maison de L’Ancienne-Lorette, étant située à proximité de
l’aéroport Sainte-Foy, devait forcément munir son clocher et ses clochetons de
lampes rouges. Une ampoule venait-elle à griller, c’était le F. Pasteur qui
grimpait là-haut et remettait tout en ordre. Encore nonagénaire, si on lui
rappelait ses exploits d’autrefois, il reprenait : « J’irais encore, mais on ne
me le permet pas ! » Audaces fortuna juvat !
Qui n’a pas entendu le frère Pasteur parler des familles Paquin
ne l’a pas connu entièrement. Oui, durant 25 ans, notre frère fut généalogiste.
Initié à cette science par son ami, le frère Dominique Campagna, il se mit à
l’œuvre et parcourut une infinité de paroisses, il écrivit une multitude de
lettres, il retraça les actes de mariage des familles Paquin. Il se fit
l’organisateur d’un vaste mouvement qui devait regrouper tous les Paquin du
Canada et des États-Unis. Un bulletin périodique rejoignait les familles.
Lui-même, à 75 ans, prit la plume et écrivit la « Petite histoire des familles
Paquin en Amérique ».
Le 3 mai 1982, il signait, en présence de deux
témoins, un acte par lequel il léguait à l’Association des familles Paquin Inc.
400 volumes de la Petite histoire, 30 cahiers de fiches familiales, 40 à 50
cahiers de correspondance, 6 cahiers d’archives, 6 volumes de descriptions de
lignées, des cartons de ces mêmes lignées, le cahier des bienfaiteurs, sans
parler des drapeaux, écussons et films. Et tout cela était le fruit d’un
travail poursuivi avec le même acharnement qu’il avait entrepris toute chose au
cours de sa vie.
Qui n’a pas entendu le F. Pasteur parler des familles Paquin
ne l’a pas connu entièrement. Oui, durant 25 ans, notre frère fut généalogiste.
Initié à cette science par son ami, le F. Dominique Campagna, il se mit à
l’œuvre et parcourut une infinité de paroisses, il écrivit une multitude de
lettres, il retraça les actes de mariage des familles Paquin. Il se fit
l’organisateur d’un vaste mouvement qui devait regrouper tous les Paquin du
Canada et des États-Unis. Un bulletin périodique rejoignait les familles.
Lui-même, à 75 ans, prit la plume et écrivit la « Petite histoire des familles
Paquin en Amérique ».
Le 3 mai 1982, il signait, en présence de deux
témoins, un acte par lequel il léguait à l’Association des familles Paquin Inc.
400 volumes de la Petite histoire, 30 cahiers de fiches familiales, 40 à 50
cahiers de correspondance, 6 cahiers d’archives, 6 volumes de descriptions de
lignées, des cartons de ces mêmes lignées, le cahier des bienfaiteurs, sans
parler des drapeaux, écussons et films. Et tout cela était le fruit d’un
travail poursuivi avec le même acharnement qu’il avait entrepris toute chose au
cours de sa vie.
Vinrent pour notre frère Pasteur les années de la vieillesse,
celles dont Qohélet dit : « Je ne les aime pas » (Qo 12,1). Plus près de nous,
c’est Lavoisier qui, prévoyant sa mise à mort prochaine, écrivait à son épouse
: « Je sens que je n’aurai pas à supporter les inconvénients du vieil âge ».
Bien déterminé à vivre jusqu’à sa mort, notre confrère lutta tant qu’il put
contre tout ce qu’amène ce vieil âge. Il pressait dans ses mains une balle de
caoutchouc, il pédalait sur place tout en lisant la Bible (sic). À diverses
reprises, on lui permit de faire des stages à la clinique B.C. de Montréal.
Quand cette permission lui fut refusée, il en souffrit beaucoup parce qu’il se
figurait que la lutte l’aurait rendu vainqueur encore une fois. Ceux qui ont
assisté à ces combats assurent qu’il s’est ainsi sauvé dix ans de fauteuil
roulant. C’est quand même quelque chose.
On ne peut pas dire que le frère Pasteur fut un vieillard
triste ou morose. Volontiers, il acceptait la taquinerie, et ses confrères le
savaient ! Dans certains domaines, comme la liturgie, la vie communautaire, la
tenue vestimentaire, il tenait dur et défendait ses positions. Celui qui écrit
ces lignes, étant de retour à L’Ancienne-Lorette après en avoir été éloigné
durant trois décennies, a eu le bonheur de retrouver le frère Pasteur et d’avoir
avec lui de longs entretiens presque journaliers. Il a alors eu droit à des
discours identiques à ceux qu’il avait entendus trente ans auparavant, et
presque dans les mêmes mots. Quelle fidélité à soi-même chez le frère Pasteur !
Quand nous nous quittions, il disait en souriant : « Demain nous aborderons un
autre thème. » Parfois il lui arrivait de chercher ses mots, mais dans
l’ensemble sa mémoire lui était restée fidèle et son esprit était parfaitement
lucide et devait le demeurer jusqu’à la fin.
Il était resté lui-même, celui qu’on avait toujours connu ;
ses jambes seules le trahissaient par moments, ses genoux flageolaient, et il
dut se déplacer en fauteuil roulant durant les huit ou neuf dernières années de
sa vie. Les jours ensoleillés, il apparaissait à la salle de communauté après
le petit déjeuner. Durant les beaux jours d’été, il était sur la galerie et se
reposait dans la balançoire.
Vinrent pour notre F. Pasteur les années de la vieillesse,
celles dont Qohélet dit : « Je ne les aime pas » (Qo 12,1). Plus près de nous,
c’est Lavoisier qui, prévoyant sa mise à mort prochaine, écrivait à son épouse
: « Je sens que je n’aurai pas à supporter les inconvénients du vieil âge ».
Bien déterminé à vivre jusqu’à sa mort, notre confrère lutta tant qu’il put
contre tout ce qu’amène ce vieil âge. Il pressait dans ses mains une balle de
caoutchouc, il pédalait sur place tout en lisant la Bible (sic). À diverses
reprises, on lui permit de faire des stages à la clinique B.C. de Montréal.
Quand cette permission lui fut refusée, il en souffrit beaucoup parce qu’il se
figurait que la lutte l’aurait rendu vainqueur encore une fois. Ceux qui ont
assisté à ces combats assurent qu’il s’est ainsi sauvé dix ans de fauteuil
roulant. C’est quand même quelque chose.
On ne peut pas dire que le F. Pasteur fut un vieillard
triste ou morose. Volontiers, il acceptait la taquinerie, et ses confrères le
savaient ! Dans certains domaines, comme la liturgie, la vie communautaire, la
tenue vestimentaire, il tenait dur et défendait ses positions. Celui qui écrit
ces lignes, étant de retour à L’Ancienne-Lorette après en avoir été éloigné
durant trois décennies, a eu le bonheur de retrouver le F. Pasteur et d’avoir
avec lui de longs entretiens presque journaliers. Il a alors eu droit à des
discours identiques à ceux qu’il avait entendus trente ans auparavant, et
presque dans les mêmes mots. Quelle fidélité à soi-même chez le F. Pasteur !
Quand nous nous quittions, il disait en souriant : « Demain nous aborderons un
autre thème. » Parfois il lui arrivait de chercher ses mots, mais dans
l’ensemble sa mémoire lui était restée fidèle et son esprit était parfaitement
lucide et devait le demeurer jusqu’à la fin.
Il était resté lui-même, celui qu’on avait toujours connu ;
ses jambes seules le trahissaient par moments, ses genoux flageolaient, et il
dut se déplacer en fauteuil roulant durant les huit ou neuf dernières années de
sa vie. Les jours ensoleillés, il apparaissait à la salle de communauté après
le petit déjeuner. Durant les beaux jours d’été, il était sur la galerie et se
reposait dans la balançoire.
Le frère Pasteur a connu très peu d’accidents de santé et a pu
exercer ses activités jusqu’à une vieillesse avancée. Si l’on excepte des
troubles de foie qui ont nécessité, il y a une quarantaine d’années, l’ablation
de la vésicule biliaire, on peut dire que ce fut un homme « en santé ». Il dut
se confier aux bons soins des infirmiers et des infirmières quand ses jambes refusèrent
de le porter. Il ne fut vraiment malade que durant ses tout derniers jours,
quand se vérifia chez lui une insuffisance rénale qui entraîna avec elle une
insuffisance cardiaque. C’est ce dont il devait décéder à l’aube de ce 17 avril
1996.
Frère Louis-Régis Ross, s.c.
Le F. Pasteur a connu très peu d’accidents de santé et a pu
exercer ses activités jusqu’à une vieillesse avancée. Si l’on excepte des
troubles de foie qui ont nécessité, il y a une quarantaine d’années, l’ablation
de la vésicule biliaire, on peut dire que ce fut un homme « en santé ». Il dut
se confier aux bons soins des infirmiers et des infirmières quand ses jambes refusèrent
de le porter. Il ne fut vraiment malade que durant ses tout derniers jours,
quand se vérifia chez lui une insuffisance rénale qui entraîna avec elle une
insuffisance cardiaque. C’est ce dont il devait décéder à l’aube de ce 17 avril
1996.
F. Louis-Régis Ross, s.c.