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« Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père pour
le pays que je t’indiquerai » (Cn. 12, 1). Ces paroles de la Bible ont trouvé
écho dans l’histoire de nombreuses vocations. Cet appel de Dieu à Abraham et sa réponse
fidèle ont été vécus pleinement, dans la foi et la confiance, par celle que le
Père a rappelée à Lui si brusquement le 5 avril 1986.
Née le 11 février 1938, à l’Île-aux-Grues, Montmagny,
Agathe devenait la sixième enfant de Jean-Baptiste Vézina et d’Alberta Paquin.
Cette Île sauvage avec ses eaux calmes ou agitées par la tempête, ses rudes
hivers, ses grues planant dans le ciel, sa faible population ont développé au
cœur de l’enfant le goût de la nature, la joie de vivre, la volonté face aux
obstacles et une générosité innée.
La petite école de l’Île-aux-Grues ne pouvant satisfaire le
besoin d’instruction des aînés, la famille Vézina quitte ce port d’attache pour
s’établir à Deschambault. Agathe a
alors huit ans. C’est à Portneuf qu’elle
ira en classe. En grandissant, son
sens spirituel, développé par le climat familial religieux, s’affirme au point
qu’une de ses sœurs décèle quelque chose de spécial qu’elle ne peut
décrire. Elle entraîne ses jeunes
sœurs à la messe du matin. Pendant l’avent,
le carême et les premiers vendredis du mois, les fillettes se lèvent dès 5 heures
30. À jeun, dans l’obscurité, elles
rejoignent le camion « distributeur de lait » pour qu’il les dépose à l’entrée
du village. Il leur reste à faire deux
milles à pied jusqu’à l’église.
Tant à l’école qu’à la maison, Agathe cultive la bonne
humeur, la jovialité, l’ardeur au travail.
Elle est toujours prête à rendre service. « Elle se fâchait rarement »
confie un membre de sa famille. Ces
aptitudes conduisent Agathe à l’École Normale de Pont-Rouge et lui préparent
une heureuse carrière dans le domaine de l’éducation de la jeunesse. La normalienne se fait des amies, aime
rire et jouer des tours. Rejointe par
sa sœur Marie-Reine, elle partage sa chambre. Toutes deux ne se couchent
jamais sans avoir prié ensemble. Elle se sent mal à l’aise lorsqu’il lui
faut demander de l’argent, sachant combien son père peine dur pour le
gagner. Elle obtient son Brevet supérieur
de l’enseignement ; en juin 1956 et sollicite la permission d’entrer au
couvent.
Le 14 août 1957, après une année d’expérience dans
l’enseignement à Bienville, elle prend l’habit religieux et commence son
noviciat. Ses deux années de formation à la vie religieuse lui permettent de s’attacher
pour toujours au Christ fidèle et miséricordieux. S.
Agathe fait sa première profession, le 15 août 1959.
EnBlack Lake devient la vigne où le Seigneur l’envoie
travailler de 1959 à 1963. Tout en
étant première responsable des garçons pensionnaires, elle enseigne à l’école
de la mi-côte. Puis, S. Agathe
reçoit son obédience pour l’Institut Saint-Louis de Loretteville. Elle a un ascendant remarquable sur les
jeunes filles pensionnaires dont elle assume la responsabilité en dehors des
heures de cours. En communauté, elle
témoigne de la joie de vivre. Son
humour dédramatise les situations pénibles. Elle aime partager une lumière reçue, valoriser une compagne en
soulignant une qualité, un effort.
En 1965, S. Agathe retourne parfaire ses connaissances
à l’École Normale de Pont-Rouge. Le
Brevet A et le Baccalauréat en pédagogie couronnent cette année de labeur.
Les élèves de 8e année du Collège Saint-Vallier de
Ville Vanier bénéficient de sa compétence.
Son passage est de courte durée. Dès 1968, la polyvalente de Loretteville compte S. Agathe parmi ses
bons professeurs. La mathématicienne connaît sa matière et l’enseigne avec
assurance. La communauté des Ardennes apprécie sa droiture, sa sincérité de
vie, son souci d’authenticité et, bien sûr, sa jovialité qui ne se dément pas.
Lors d’une réunion de province en mai 1970, S. Marie-Thérèse
Careau, supérieure provinciale, de retour d’un voyage au Mali, demande un
professeur de mathématiques pour Bamako.
S. Agathe se sent vivement interpellée. Mue par la foi, après avoir
prié et réfléchi, elle s’offre pour ce service au loin.
Elle part en septembre 1970. Après un voyage de six Jours, parce que sur
liste d’attente, passant par six aéroports, S.
Agathe arrive enfin à Bamako avec ses compagnes. Son premier geste, après tant de
péripéties, est de s’agenouiller et de baiser le sol d’Afrique.
Puis, avec l’humour qui la caractérise,
elle explique : « Je viens faire
mon service militaire : trois ans ». À ce moment, les Sœurs de la Charité de Saint-Louis viennent prêter
mains fortes aux Sœurs de Ste-Clotilde, communauté française. En plus de l’enseignement
des mathématiques en 9e année, S. Agathe répond à son désir
apostolique en s’engageant dans la catéchèse.
En juillet 1973, pendant son congé au Québec, S. Agathe
fait une retraite avec le Père Jean Van den Eynde, s.j. Cette halte spirituelle donne une impulsion
à sa vie de prière et à sa vie fraternelle. Conquise par l’Afrique, elle décide
de prolonger « son service militaire ».
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n 1974, elle est nommée à Kita comme animatrice de la
communauté, professeur au second cycle (7e, 8e, 9e années) et responsable
de la C.E.C. (Communauté des Étudiants croyants). Primesautière et catégorique au moment où
elle émet ses idées, S. Agathe sait cependant revenir sur ses positions
lorsqu’une compagne fait valoir sa façon de voir les choses. Elle a le sens de l’équipe. Son jugement droit et sa forte conviction
dans les discussions assurent la vérité.
Après neuf ans au service de l’Église du Mali, S. Agathe
bénéficie d’une année sabbatique. Les
cours de ressourcement doctrinal à Cap-Rouge et les É.V.C. (Exercices dans la Vie courante) à la villa
Manrèse lui sont un réel enrichissement et une occasion de fructueux
échanges. Aux vacances 1980,
elle subit l’opération d’un ménisque. Au cours de sa convalescence, une phlébite suivie d’embolie pulmonaire
lui impose un repos prolongé et une surveillance médicale qui la retiennent au
pays jusqu’en février 1981.
En mars, Kita l’accueille. Vulnérable, mais non moins généreuse, S. Agathe consacre quelques
mois à l’étude du Bambara. Elle tire
vite la conclusion que le Créateur l’a gratifiée de la connaissance des
mathématiques plus que de la facilité pour les langues. Pour l’année scolaire 1981-1982, elle
est de nouveau à Bamako comme professeur de mathématiques et de catéchèse. Elle est aussi responsable de la
bibliothèque de l’école. En novembre 1982, S. Agathe est élue secrétaire
générale de la Commission diocésaine des Religieuses de Bamako. C’est à ce titre qu’elle a l’initiative de
proposer un groupe de prière composé de religieuses et de laïcs. Depuis, le
groupe persévère, grandit dans la foi, l’amitié et l’Action de grâces.
En 1983, à Dobwo, diocèse de San, un centre vocationnel pour
les jeunes filles aspirantes à la vie religieuse vient de naître. Un appel est lancé pour seconder deux sœurs
Blanches de Notre-Dame d’Afrique. S. Agathe
se sent attirée par ce service d’Église. Devant le grand besoin de vocations, après avoir discerné, prié, échangé
avec les Supérieures, elle se déclare disponible à cette nouvelle tâche. « Va plus loin… la route est à peine
commencée, » chante John Littleton.
Voilà S. Agathe à Dobwo, milieu très pauvre. Elle donne des cours
au collège des Frères du Sacré-Cœur, suit les travaux de la construction, s’occupe
de l’aménagement des locaux afin de recevoir, comme internes, les dix-huit
premières aspirantes, en octobre 1984. Dans un esprit de disponibilité constante, en éducatrice avertie, elle
est attentive à chacune, qu’elle aide à grandir dans l’amour de Jésus et à s’épanouir
dans toutes les dimensions de son être.
Un Jubilé d’Argent se fête partout. Le 15 août 1984, S.
Marie-Louise Roche prend l’initiative de la rencontre. Les sœurs de Dakar,
Kita, Bamako s’unissent pour célébrer le 25e anniversaire de profession
religieuse de S. Lise Rodrigue et de S. Agathe Vézina. Toutes deux rayonnent
leur bonheur et rendent grâce au Dieu fidèle. S. Agathe se plaît à
chanter avec humour : « Le
Seigneur fit de moi une merveille ».
Cette mémorable année, une grande sécheresse appauvrit la
région de San et multiplie les misères. À un S.O.S. lancé par S. Agathe, des sœurs du Québec organisent un
marchethon missionnaire et y participent. Grâce à cette activité, elle distribue des livres, assure du travail aux
uns, secourt les plus démunis, combat certaines injustices. Des témoignages louent
cette charité : « S. Agathe avait une lumière brillante dans les
yeux, pour tous, sans distinction ».
En septembre 1985, S. Monique Lapointe se joint à l’équipe. S. Agathe et S. Clotilde, S.B. se réjouissent de sa
présence. Les tâches sont partagées, la
responsabilité des vingt-quatre internes revient à S. Agathe. De plus en
plus, elle croit à la mission confiée. Un jour, elle écrivait à un ami : « Si nous ne nous enracinons pas dans notre pays d’adoption, si nous n’aimons
pas vraiment et sensiblement les gens avec lesquels nous vivons et
travaillons, nous ne serons jamais les vraies missionnaires de Jésus ».
Cet enracinement en terre malienne se vérifie par l’événement
foudroyant du 4 avril dernier. Tous connaissent les détails relatant les derniers moments de notre
chère S. Agathe Vézina. « Si le grain
de blé ne tombe en terre, il ne peut porter du fruit ». La Congrégation et sa famille l’ont donnée
à l’Église du Mali. Elle contemple
aujourd’hui dans la gloire Celui qu’elle a tant cherché sur la terre. Dans la béatitude éternelle, chère S. Agathe,
ne nous oublie pas.
Toi qui as vécu le
don de toi-même jusqu’au bout de l’amour, suscite des vocations religieuses au
cœur de nombreuses jeunes afin que les Sœurs de la Charité de Saint-Louis
continuent d’assurer l’évangélisation dans la mission éducative de l’Église.
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